L’axe 30 : un complément nécessaire à la zone 30 ?

27/5/2014
Les auteurs de cet article
Nicolas Louvet
Fondateur et Directeur

Alors que Paris réfléchit à généraliser la vitesse à 30 km/h sauf sur les axes structurants, ne faudrait-il pas justement intégrer ces grands axes à la politique d’une diminution des vitesses en ville ?

Dans le cadre d’une recherche financée par la Fondation Sécurité Routière en partenariat avec l’IFSTTAR et la Ville de Paris, 6t-bureau de recherche a réalisé une étude visant à comprendre les effets d’une limitation à 30 km/h sur des axes structurants. Aucune évaluation n'avait encore été réalisée sur le passage de 50 km/h à 30 km/h des axes structurants ni sur l’acceptabilité des usagers face à une telle mesure. Empirique (entretiens qualitatifs auprès de 40 personnes + enquête auprès d’un échantillon de plus de 2000 usagers), notre recherche propose une évaluation avant et après de cette problématique en s’appuyant notamment du passage récent à 30km/h de l’Avenue de Clichy (Paris, 17ème et 18ème).

La littérature scientifique avait déjà largement montré que les impacts d’une limitation de vitesse à 30 km/h sont avérés en matière d’amélioration de la sécurité routière, mais plus discutable sur le bruit et la pollution. Notre enquête de terrain a confirmé ce constat : les personnes interrogées (qu’elles soient à pied, à vélo, en voiture, en deux roues motorisés ou en transports collectifs) considèrent que la diminution à 30 km/h sur l’Avenue de Clichy est avant tout une réponse à l’insécurité routière. Une insécurité routière caractérisée par des traversées piétonnes impossibles ou dangereuses. D’ailleurs, après la limitation à 30 km/H de l’avenue de Clichy, 77% des répondants trouvent la traversée plus aisée.

Ainsi, outre les questions de sécurité routière, la limitation à 30 km/h des grands axes permettrait de retrouver les fonctions dites transversales de ces axes (ses activités, ses habitations, ses lieux de rencontre, ses déplacements à pied ou en vélo, etc.) trop longtemps délaissées au profit d’une fonction unique et longitudinale : les déplacements routiers.

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Mais quelle est l’acceptabilité d’une telle mesure et quelles seraient ses conditions de mise en œuvre selon les usagers ?

L’enquête montre que l’acceptabilité d’une limitation à 30 km/h sur les grands axes est forte : 85 % des usagers se déclarent favorables à une telle mesure. Même les usagers de modes de transports individuels et motorisés (voiture et deux-roues motorisés) sont 59% à y être favorables. Si les usagers ressentent une amélioration de la sécurité et une facilité des traversées piétonnes, ils craignent néanmoins une potentielle augmentation des embouteillages existants. Il y a donc un enjeu à communiquer sur le fait qu’en situation de congestion, on roule déjà à moins de 30 km/h !

Les usagers déclarent à 82 % qu’ils respecteront la limitation, même les automobilistes (75 %) et les usagers de deux-roues motorisés (69 %). Pour faire respecter la limitation de vitesse à 30 km/h, les usagers considèrent qu’au-delà des aménagements, il faut proposer une combinaison de mesures préventives et répressives. 61% des répondants ont remarqué des changements grâce aux aménagements, mais seulement 1/3 des répondants ont noté la baisse de la limitation de vitesse réglementaire. Les aménagements « signalent » l’amélioration de l’espace public, mais ils ne permettent pas seuls de créer l’acceptation. 56% des répondants estiment que la pédagogie de l’information est indispensable pour respecter la limitation. Selon les usagers et leurs attentes, cette dimension pédagogique peut prendre trois grandes formes :

  • radars pédagogiques;
  • clarifications des liens entre la congestion et les vitesses pratiquées;
  • clarification des liens entre pollution et vitesse.

Alors, si les enjeux de sécurité routière en ville sont une opportunité pour réfléchir à une diminution de la vitesse, le passage de 50 à 30km/h n’est-il pas l’occasion d’offrir un nouveau rapport à la ville, quel que soit le type de voie ?

crédit photo : 6t-bureau de recherche, 2014